Pour Anne-Françoise Jumeau, l’architecture est toujours à réinventer.
« Ici, on ne fait jamais deux fois la même chose. Nous sommes une équipe d’architectes aguerris qui bousculons les bords pour “aller chercher”. Notre groupe a une pensée solidaire, polyvalences et différences s’unissent. »
Des vingt années passées dans le collectif Périphériques Architectes, elle a gardé un esprit de liberté.
« Risquer, défricher, explorer, aller voir ailleurs, faire des cadavres exquis, tirer au sort les projets… Nous refusions de travailler sous la contrainte. La notion de plaisir du métier était dans notre ADN ».
Métisser les styles et les matières
En publiant Matières, A-F Jumeau montre comment elle juxtapose le banal et le précieux, le béton avec une céramique irisée ou des panneaux d’aluminium.
Dans le rapport d’un motif, l’ajustement de deux panneaux, leur orientation, elle recherche la petite dissonance chère aux compositeurs.
« Dans les matériaux, j’exploite la ponctuation du lourd et du léger. Cette dualité, ce contrepoids me sont nécessaires. »
Une diversité des matériaux d’autant plus indispensable que beaucoup de nouveaux chantiers concernent la réhabilitation et la rénovation énergétique d’immeubles des années soixante.
« On isole par l’extérieur et les bâtiments sont ensuite revêtus d’une protection mécanique en métal, en bois ou en terre cuite.
Chaque matériau est étudié à fond avec les fournisseurs.Au fil de l’expérience, l’exercice évolue.
Et le béton ?
« C’est une matière que j’aime. Elle a sa place dans mes idées et mes envies. Notre premier bâtiment en béton était le “Café Musiques” de Savigny-le-Temple. Ici les trois corps de bâtiment sont assemblés selon un cadavre exquis joué entre trois agences. Pour abriter le restaurant et une salle de Hip-Hop, nous avions conçu un volume de béton ouvert et tourné vers la nature et le lac tout proche. Le béton a été travaillé en camouflage : calepinage de fonds quadrillé et plaques en empreintes coulées sur place. »
L’Atrium de Jussieu
L’Atrium de la faculté de Paris 6 sur le campus de Jussieu est tel une nef de cathédrale coupée d’escalators et de bâtiments-ponts. Il est ainsi scindé en trois grands espaces habillés de modules de béton. « C’est un matériau qui rassure. Les déambulations ainsi sécurisées limitent l’effet de vertige et la peur du vide. »
A-F Jumeau a imaginé un béton miroir. « Nous voulions une peau la plus lisse possible et créer une vraie douceur alors que le matériau était brut. »
Pour plus de légèreté, les panneaux préfabriqués sont rapprochés mais ne se touchent pas car ils ne sont pas porteurs.
« J’aime les chantiers compliqués », explique l’architecte avec un grand sourire.
L’Autre Canal à Nancy
Une salle de musiques actuelles a des contraintes très précises. La musique demande de la masse, de l’épaisseur.
« Nous avons proposé une boîte en béton matricé à la planchette. Elle exprime une grande massivité. Des luminaires sont encastrés sur les façades. Doux, modulables et clignotants, ils donnent le pouls du bâtiment. Comme le fluide de la vie, le réseau de circulation intérieur rouge vermillon distribue les studios et les salles de spectacle et ponctue la façade en béton. »
Demain, le chantier de Rennes
« Notre tout nouveau projet de logement se trouve au nord-est de la gare de Rennes, dans une ancienne friche transformée en quartier d’habitation. Un ensemble de modules en béton matricé sera coulé sur place. Nous avons proposé un principe de motif dans l’esprit du peintre Klimt. On le retrouvera, à différentes échelles : plus massif sur le socle des immeubles, plus fin et précieux sur les attiques. »
La validation des premiers essais sur le site du chantier est imminente. Anne-Françoise Jumeau reste fidèle à son langage architectural libre et à l’optimisation des matériaux.
Anne Françoise Jumeau reçoit le Prix de la Femme Architecte
L’Association pour la recherche sur la ville et l’habitat (ARVHA) vient de décerner le prix de la Femme Architecte 2021 à Anne Françoise Jumeau. Soutenu par la Région Ile de France, l’Ordre des architectes, le Pavillon de l’Arsenal, la Ville de Paris et les grands acteurs privés du bâtiment, ce prix encourage la parité dans un univers à forte dominance masculine.
Pour sa neuvième édition, 482 candidatures et 1582 projets ont été examinés par le jury.
Retrouvez la cérémonie et les projets sur www.femmes-archi.org
LE TEMPS DE L’ARCHITECTURE ET CELUI DE L’ART
L’Association pour la recherche sur la ville et l’habitat (ARVHA) vient de décerner le prix de la Femme Architecte 2021 à Anne Françoise Jumeau. Soutenu par la Région Ile de France, l’Ordre des architectes, le Pavillon de l’Arsenal, la Ville de Paris et les grands acteurs privés du bâtiment, ce prix encourage la parité dans un univers à forte dominance masculine.
Pour sa neuvième édition, 482 candidatures et 1582 projets ont été examinés par le jury.
« L’Art entre de plus en plus dans mes bâtiments. En ce moment, nous travaillons sur le projet Fulton, un bâtiment neuf de120 logements dans le XIIIe arrondissement. J’invite des peintres, des photographes ou des vidéastes à venir travailler sur le chantier : des métissages enthousiasmants pour les différentes parties. D’ailleurs, après Matières, et Maquettes, un troisième ouvrage portera sur le regard porté par les artistes sur les chantiers et leurs réactions. Le 2 octobre prochain, pendant la Nuit Blanche 21, un montage vidéo sera projeté sur l’immeuble échafaudé. »
Progress gallery – 4 bis passage de la Fonderie – 75011 Paris