Btonlin a pour objectif de produire du béton biosourcé, local et structurel. Comment vous-est venue cette idée et en quoi est-ce un challenge ?
Dans le cadre de nos recherches sur la valorisation de matériaux locaux et la construction durable, nous nous sommes intéressés au lin, une culture historique en Normandie. Reconnu pour sa forte résistance à la traction, utilisé dans le textile et les équipements de sport, et peut-être bientôt dans l’automobile et l’aéronautique, le lin pourrait-il remplacer des fibres de métal, de verre ou de polypropylène dans du béton pour l’alléger et le rendre biosourcé ? Alors que le chanvre sert déjà de matériau de remplissage dans la construction, nous avons souhaité utiliser des fibres du lin en renfort pour la fabrication de béton biosourcé structurel, ce qui est totalement nouveau.
Quels obstacles avez-vous rencontrés pour intégrer les fibres de lin à la matrice cimentaire et comment les avez-vous surmontés ?
La première difficulté a été de réaliser un mélange fluide et homogène à l’état liquide. Les fibres de lin absorbant beaucoup d’eau, elles ont tendance à s’agglomérer entre elles et à ne pas bien adhérer à la matrice cimentaire. De ce fait, lorsque nous avons remplacé les fibres de verre par des fibres de lin dans le mortier, la maniabilité et la résistance du béton en ont été affectées.
Tout au long de nos travaux nous avons donc fait varier les dosages, la longueur des fibres et leur traitement préalable, afin de parvenir à une maniabilité et une résistance acceptables pour l’usage souhaité. Les meilleures performances ont été obtenues avec des fibres de lin de 2 cm, dosées à 1% du volume global et traitées avec du ciment ou de l’huile de lin.
Où en est-on aujourd’hui avec ce béton biosourcé, et quelles études complémentaires menez-vous en vue de son industrialisation ?
Nos différents essais de formulations et de mortiers ont été menés avec l’entreprise de construction CMEG, Entreprise Générale de Bâtiment, et le groupe Depestele, spécialisé dans les matériaux en lin. Ils nous ont permis de réaliser un prototype de béton biosourcé, fibré en lin et auto-plaçant, répondant au cahier des charges de CMEG, et qui reste à homologuer.
Nos recherches portent désormais sur l’optimisation du traitement du lin et du liant de la matrice, afin d’améliorer la ténacité aux microfissures, la durabilité et l’adhérence du matériau. L’objectif est de réaliser, d’ici à 2020, des panneaux sandwichs P2P biosourcés en lin, répondant aux futures normes thermiques et environnementales.
* Le projet Btonlin est cofinancé par le programme FEDER et la région Normandie, et labellisé par le Pôle de compétitivité Ensembles Métalliques et Composites Complexes (EMC2). Ce projet collaboratif rassemble l’ESITC Caen, le laboratoire CRISMAT de l’ENSICAEN, la coopérative CMEG et le groupe Depestele.