Sensualité et jeux de lumière
Dans la maison d’accueil spécialisée (MAS) pour personnes épileptiques de Dommartin-lès-Toul (54), ouverte en 2014, une impression générale de douceur domine. Construite en rez-de-chaussée, elle est structurée autour de quatre patios laissant entrer la lumière naturelle. Ses fenêtres et stores en bois, ainsi que ses sols en matière souple, contribuent à l’atmosphère apaisante. Tout comme ses façades en béton, qui semblent faites d’une matière sensuelle et tactile, grâce à des cavités se transformant au gré de la lumière du jour.
Une œuvre d’art indissociable de l’architecture
On doit ce bâtiment atypique au travail conjoint des architectes de l’Atelier Martel et de l’artiste Mayanna von Ledebur. « L’intervention d’une artiste sur ce projet est arrivée très tôt dans le processus de conception, pour venir enrichir notre regard », raconte Marc Chassin, l’un des fondateurs de l’Atelier Martel, dont l’une des particularités est justement d’associer des artistes à ses travaux.
Commandée par l’Office d’hygiène sociale de Lorraine, la MAS de Dommartin-lès-Toul n’a pas échappé à la règle. « Dès nos premiers échanges nous avons imaginé une intervention de Mayanna von Ledebur sur les façades en béton. En découvrant le projet, elle nous a également proposé d’intervenir à l’intérieur. À l’arrivée, son œuvre d’art fait partie intégrante du bâtiment, elle est indissociable de l’architecture », constate Marc Chassin. Les associés de l’atelier ont pensé à elle en raison de ses travaux antérieurs. « Son univers correspondait à ce lieu de vie, que nous souhaitions doux et accueillant. De surcroît, la qualité de la relation et de la collaboration avec l’artiste a été très riche, ce qui est important pour des projets comme celui-ci, qui s’étirent sur plusieurs années. »
Adoucir la perception du béton
Pour Mayanna von Ledebur, la maison de Dommartin-lès-Toul était l’occasion de se confronter pour la première fois au matériau béton. « Le bâtiment accueille des épileptiques qui peuvent se faire mal en tombant. J’ai donc voulu moduler le béton sur les façades pour adoucir sa perception, faire en sorte qu’il ne soit pas menaçant, que les habitants aient envie de le toucher… Il a été très intéressant de découvrir comment on pouvait travailler la matière du béton avec cette idée », raconte-t-elle.
Pour atteindre l’effet escompté, elle a dessiné des moules en bois en s’inspirant des premières inscriptions connues sur l’épilepsie, datant de 1 750 avant J.-C. Elle a ensuite suivi leur fabrication par un Fab Lab, en ponçant elle-même les cavités à la main. Pour le béton, des tests de couleurs ont été réalisés. « Nous avons finalement privilégié le béton naturel en raison de son accrochage de la lumière », dit-elle. Enfin, dans les espaces intérieurs, elle a imaginé et conçu des tapisseries en laine et par là-même repensé les principes de la signalétique. L’ensemble constitue une œuvre d’art singulière que Mayanna von Ledebur a intitulée “Dehors/Dedans”.