Le 12 mars 2021, le Grand Palais fermait ses portes pour un vaste chantier de rénovation visant à réhabiliter ses volumes, sa luminosité, et à augmenter sa capacité d’accueil.
Aujourd’hui déjà, la Nef est fraîchement et méticuleusement restaurée.
Dans le cadre des Jeux olympiques, elle accueillera 8 000 spectateurs pour les épreuves d’escrime (du 27 juillet au 4 août) et de taekwondo (du 7 au 10 août).
Un mois plus tard, 6 500 personnes assisteront aux épreuves paralympiques de para-taekwondo (du 29 au 31 août) et d’escrime fauteuil (du 3 au 7 septembre).
Un mot d’ordre pour la restauration des lieux : respecter la conception et l’architecture originelles.
Un peu d’histoire…
En 1896, un grand concours d’architecture débute. Il faut choisir le projet du Grand et du Petit Palais, qui seront édifiés le long de la nouvelle artère ouverte entre les Champs-Élysées et les Invalides pour l’Exposition universelle de 1900.
Plusieurs architectes sont retenus : Henri Deglane pour la partie principale du Grand Palais, sur l’actuelle avenue Winston-Churchill ; Albert Louvet pour la partie intermédiaire et le Salon d’Honneur ; Albert Thomas pour l’actuel Palais de la découverte. Un quatrième architecte, Charles Girault, coordonne l’ensemble et construit également le Petit Palais.
Entre baroque et classicisme, le Grand Palais va imposer une certaine idée de la modernité de la Belle Époque en alliant l’acier, le verre et la pierre. Plus de 40 artistes travaillent à ses décors, et le succès sera phénoménal.
Avec ses 72 000 m2 de superficie, l’immense Nef couronnée par une verrière de 17 500 m2, son luxueux Salon d’Honneur, la rotonde, l’escalier d’honneur et le Palais d’Antin, le lieu fait la fierté de la République, démontrant au monde entier la « supériorité de l’art français » !
Pourtant, malgré son prestige, il connaîtra bien des outrages. Ravagé par un incendie le 23 août 1944, il risquera même la démolition.
Morcelé, cloisonné, entresolé, le Grand Palais ne sera classé monument historique qu’en 2000, après sa Nef en 1975.
Jusqu’à aujourd’hui, il n’avait connu que des restaurations partielles de la façade, des verrières et de la coupole.
Réhabilitation amorcée en 2021
François Chatillon, fondateur de Chatillon Architectes et architecte en chef des monuments historiques, a piloté la réhabilitation du Grand Palais.
Son approche d’une « nouvelle modernité » architecturale réfute le principe de rupture en lui opposant celui de la continuité historique : « On va changer l’état actuel, pour revenir, non pas à l’état 1900, mais aux vertus de l’état 1900, c’est-à-dire à cette générosité, à cette lumière, à ces espaces. À tout ce qui, petit à petit, s’est transformé et a disparu. »
En superposant dans une maquette BIM les tracés géométriques de milliers de plans d’archives, les plans de géomètres et les nuages de points, Chatillon Architectes a d’abord établi un diagnostic patrimonial numérique pour comprendre l’ensemble du bâtiment et recréer sa cohérence originelle.
La circulation des publics a ainsi été totalement renouvelée, et de nombreuses ouvertures créées ou retrouvées. De quoi redécouvrir les grandes perspectives Nord-Sud et Est-Ouest.
Les aménagements voulus dans les années 1960 par André Malraux et conduits par Pierre Vivien, pour installer les Galeries Nationales, ont cependant été respectés pour tisser un lien entre le passé, le présent et l’avenir du bâtiment.
De nouveaux auditoriums ont été aménagés, tandis que de nouveaux espaces ont vu le jour dans les soubassements.
Sous une toiture et des verrières entièrement restaurées, la lumière sera modulée par un outil informatique capable de gérer les intensités des différents espaces en fonction des variations du ciel.
Une dalle active en béton coloré pour la Nef centrale
Avec une superficie de 13500 m2, et un volume de 460000 m3, la Nef centrale est sans doute la plus grande verrière d’Europe, et l’une des pièces maîtresses de cette restauration.
En ouvrant les galeries, sa capacité d’accueil est passée de 5500 à 9000 visiteurs.
Cette serre géante de 200 m de long sur 50 de large, haute de 45 m, brûlante l’été et glaciale l’hiver, était jusque-là impossible à climatiser.
Sa rénovation thermique est particulièrement remarquable, notamment en raison de sa dalle active en béton.
Cette nouvelle dalle a nécessité quatre mois de coulage et 2600 m3 de béton bas carbone à la formulation spécialement étudiée pour supporter le piétinement de la foule et la circulation d’engins lourds.
Pour retrouver les couleurs ocre sable d’origine (celles de la terre battue, puisque la Nef accueillait les concours hippiques), le béton a été teinté dans la masse par 9 tonnes de colorant, auquel on a ajouté un durcisseur de surface.
Épaisse de 25 cm, cette dalle est chauffante et rafraîchissante selon les conditions climatiques.
En son cœur en effet, au-dessus d’une épaisse couche d’isolant, un maillage de 46 km de tubes caloporteurs répartis sur 7 100 m2 fera circuler un fluide à 50°C en hiver et à 15°C en été. 70 kg/m2 de ferraillage ont été utilisés pour éviter toute dilatation ou compression de la dalle.
Raccordée aux réseaux urbains de chaleur et de fraîcheur de Paris, elle garantit une température de 10 à 15°C en hiver par une température extérieure de 5°C.
Des sondes placées à 5 cm de profondeur, dans la dalle, contrôlent la température de la surface, la condensation et l’hygrométrie.
Ce système thermique permet de réguler la zone “à hauteur d’homme” entre 1,5 et 2 m du sol et répond aux contraintes économiques et énergétiques.
Contraintes auxquelles répond également l’inertie thermique du béton, qui permet d’accumuler la chaleur ou la fraîcheur du circuit et de la restituer progressivement à la Nef.
Le Grand Palais est paré pour accueillir les sportifs de l’été 2024
Mis aux normes du XXIe siècle, ayant retrouvé sa superbe de 1900, le Grand Palais est paré pour accueillir les sportifs de l’été 2024, mais continue sa mue jusqu’au printemps 2025.
Alors, il sera fin prêt pour accueillir de nouveau les grandes expositions, les concerts et les manifestations sportives des prochaines générations.
C’est l’élan qui a animé l’équipe de François Chatillon : « On utilise le monde tel qu’il est pour se projeter, pour avoir des ambitions culturelles. L’idée n’est pas ici qu’on restaure à l’identique pour se donner bonne conscience. On profite de ce que l’histoire nous donne pour avoir une vision très contemporaine. On restaure pour l’avenir. On est guidé par l’idée qu’on est en train de faire quelque chose de très moderne. »