Votre projet MurMure est l’un des lauréats de l’appel à projets Réinventer Paris 2, qui proposait de réinterpréter plusieurs lieux parisiens. Quel en est le concept ?
Éléonore Givry : Une cinquantaine de sites étaient concernés par cette deuxième édition de Réinventer Paris, dédiée aux sous-sols parisiens. Celui sur lequel notre équipe a travaillé se trouve boulevard de Charonne, dans le XIe arrondissement.
C’est un ancien transformateur électrique, datant de 1929, dont la caractéristique est d’avoir une superstructure en béton armé.
Nous avons proposé d’en faire un cluster des métiers du son, dans lequel professionnels et amateurs bénéficieraient d’équipements et de studios d’enregistrement de très haute qualité. MurMure fait partie des cinq projets remarquables de Réinventer Paris 2, ce dont nous sommes très fiers.
Comment se présentait le bâtiment originel ?
E. G. : Ce bâtiment est l’un des premiers à avoir été construits en béton armé à Paris. Nous sommes face à une véritable cathédrale de béton, avec des volumes imposants.
Il y avait, à l’arrière, de très hauts niveaux sous plafond, où était transformée l’électricité destinée à l’est parisien. Cela faisait plus de dix ans qu’il n’était pas occupé.
Quelle a été votre approche par rapport à cette « cathédrale de béton » ?
E. G. : Nous avons pris le parti de travailler les fondamentaux de l’architecture, que sont l’espace, la matière et la lumière, en touchant le moins possible à l’existant.
Ce bâtiment en béton armé a encapsulé de grandes quantités de carbone, et il était impensable de ne pas faire avec, compte tenu des enjeux actuels liés à la transition écologique. D’autant plus que le bâtiment est de très bonne facture.
« Nous avons pris le parti de toucher le moins possible à l’existant. Ce bâtiment en béton armé a encapsulé de grandes quantités de carbone, et il était impensable de ne pas faire avec, compte tenu des enjeux actuels liés à la transition écologique. »
Éléonore Givry
Vous n’avez pas eu à renforcer la superstructure en béton ?
E. G. : Non. La structure existante en poteaux-poutres avec dalles en béton était en bon état. Le diagnostic structure et les sondages nous ont indiqué que les planchers en béton étaient en capacité de supporter les mutations que nous proposions, ce qui facilite la transformation du site. C’est en sous-sol que nous allons intervenir de manière plus marquée, en prolongeant la structure existante. Les poteaux de superstructure y sont déjà présents, mais nous allons les faire descendre encore plus bas.
Quelles évolutions architecturales avez-vous proposées autour de ce patrimoine industriel ?
E. G. : En premier lieu, nous allons créer une faille qui permettra de faire descendre la lumière jusque sous le niveau de la rue : elle partira de la toiture, traversera verrière et plancher de verre, et arrivera dans les sous-sols. Nous allons également créer un passage commerçant au rez-de-chaussée, qui rappellera les passages couverts parisiens.
On y trouvera des luthiers, des artisans du son…
Enfin, nous mettrons l’accent sur la végétalisation, avec un jardin en toiture.
Prévus sur plus de 8 000 m2, tous ces programmes s’organiseront selon un diagramme du son : les sous-sols seront forcément bruyants mais extrêmement bien isolés, avec des studios d’enregistrement capables d’accueillir un orchestre symphonique ; au rez-de-chaussée, la rue intérieure ancrera le projet dans son urbanité ; dans les étages, seront disposés des plateaux de coworking dédiés aux métiers du son, dotés d’une acoustique exemplaire ; et tout en haut, ce jardin des silences suspendu aux cimes de Paris.
Quel est le calendrier du projet ?
E. G. : Des travaux de curage et de dépollution ont eu lieu plus tôt dans l’année et nous venons de lancer le chantier, qui devrait durer une vingtaine de mois. L’ouverture est prévue en 2025, le temps que les commerces fassent leurs travaux.