Anne-Laure Taunay et Thalakh Dhurumjun se sont rencontrés dans un magasin lorsque la jeune femme était encore étudiante en architecture d’intérieur. Pour eux deux, le béton est un matériau tendance mais tout le monde ne sait pas le travailler avec le même talent. Ils ont chacun leur propre structure et sont complémentaires.
Quelle est la genèse de ce projet de pâtisserie ?
Thalakh Dhurumjun : À l’occasion d’un salon à Dubaï, nous avons rencontré Kevin Lacote sur son lieu de travail. Il travaillait à l’époque dans un grand restaurant local et nous a fait goûter ses pâtisseries. Le contact est bien passé, d’autant que ce jeune chef avait le projet de revenir en France et d’ouvrir une belle adresse à Paris.
Anne-Laure Taunay : Kevin savait que j’aimais travailler le béton et connaissait Thalakh. Travailler ensemble était une évidence. Quand il est rentré à Paris, quelques années plus tard, il a fait appel à nous.
Quelle était la demande de Kevin Lacote ?
A-L. T. : La pâtisserie du chef Kevin Lacote est un lieu de création, de formation et de dégustation. Il voulait un cadre chaleureux, pratique, facile d’entretien et surtout esthétique.
T. D. : La pièce maîtresse de la boutique est un imposant comptoir vitrine de 5 mètres de longueur avec un retour de 1,5 mètre. Kevin désirait une matière brute, pas trop lisse, avec des trous, des craquelures. Une demande assez fréquente dans le luxe, qui aime le contraste entre la perfection des œuvres et les détails accidentels du décor. Anne-Laure a dessiné un mobilier en béton avec une vitrine en acier à l’aspect laiton. Le comptoir est conçu en pointe de diamant. Pour un meuble aussi imposant, nous avons coulé des plaques de béton épaisses d’un centimètre et les avons appliquées sur une âme de bois.
Quelles ont été les grandes étapes, du dessin à la mise en service ?
A-L. T. : J’ai dessiné les plans de première intention, que Kevin Lacote a validés. Avec Thalakh, nous nous sommes penchés sur l’aspect du béton, un mortier fibré ultra haute performance. Nous avons soumis à Kevin des échantillons pour la teinte et l’aspect. Puis j’ai fourni le dessin de détail à ABD STUDIO ainsi qu’à un bureau d’études spécialisé, qui a réalisé sur mesure les éléments techniques. Concevoir une coque en béton qui intègre les cuves réfrigérées, les réserves, le terminal de paiement et l’emplacement des LEDs pour éclairer les pâtisseries, c’était un vrai challenge !
T. D. : Kevin Lacote souhaitait un aspect irrégulier. J’ai concocté une recette « maison ».
Aviez-vous des contraintes particulières liées au secteur alimentaire ?
A-L. T. : Pas vraiment, Kevin Lacote ne travaille pas directement sur les surfaces en béton, et ses pâtisseries ne sont jamais en contact avec. Par sécurité, nous avons appliqué un vernis spécial pour le contact alimentaire. Il y avait un cahier des charges très précis et des fiches produits à fournir .
Un retour d’expérience, des projets ?
A-L. T. : C’est ma plus belle expérience avec le béton jusqu’à présent. Les clients apprécient, les confrères aussi. D’autres projets sont à l’étude, et il faut toujours se remettre en question.
T. D. : Pour beaucoup de gens, le béton c’est gris et froid. Je le vois autrement. Il faut le structurer, le teinter, lui faire raconter son histoire. Par exemple, je viens de réaliser du béton tactile qui répond à la pression du doigt comme un smartphone. J’ai aussi imaginé un béton allégé. Je veux partager, je veux de la passion et de la volonté !