Des inondations répétées
L’Aqua Alta, ce phénomène de montée des eaux, menace de plus en plus la ville de Venise. Entre 2000 et 2010, la place Saint-Marc s’est retrouvée plus de cinquante fois sous un mètre d’eau. Et après l’inondation record de 1966 (voir encadré), la cité des Doges a été noyée sous un mètre cinquante en 2008.
Si les hautes marées sont de plus en plus intenses et fréquentes, c’est à cause du nivellement des fonds de la lagune : la croissance du trafic de bateaux de fort tonnage et le creusement de nombreux puits entraînent, chaque année, la perte d’un million de mètres cubes de sédiments. En un siècle, Venise se serait ainsi enfoncée de 23 centimètres.
L’élévation du niveau des mers, provoquée par le réchauffement climatique, devrait encore accentuer les inondations, qui endommagent les monuments de la cité lacustre, inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco.
Des parois mobiles articulées
Pour sauver Venise, une loi décrétant sa protection d’intérêt national a conduit, en 2003, au lancement du projet MOSE (Moïse en italien, et acronyme de “module expérimental électromécanique”). Il s’agit d’édifier un système de protection composé de 78 digues articulées, réparties sur les trois entrées de la lagune. Chaque fois que la marée sera supérieure à 110 cm, des parois mobiles métalliques seront relevées.
Grâce à des injections d’air comprimé, les modules indépendants seront vidés de l’eau contenue dans leur partie creuse et pivoteront sur leurs charnières pour former un rempart. Une fois la situation revenue à la normale, ils seront remplis d’eau pour s’abaisser.
Comme l’a expliqué Flavia Faccioli, architecte et porte-parole du groupement des entreprises en charge du chantier, « il s’agit d’un dispositif de vannes qui fonctionnent comme des cloisons oscillantes. Elles sont capables de se soulever sous le seul effet de la poussée d’Archimède ».
Des caissons en béton immergés
Les cloisons mobiles sont fixées, et encastrées en temps normal, dans des caissons en béton immergés. Ces énormes coffres, de 20 mètres de large pour 20 à 30 mètres de long et hauts comme des immeubles de 8 étages, sont implantés dans des tranchées au fond de la lagune. Chacun d’eux sert de point d’ancrage aux parois mobiles et de galerie technique pour le mécanisme.
Les 35 caissons préfabriqués pèsent 25 000 tonnes pièce et sont assemblés sous l’eau, un à un, grâce à un joint d’étanchéité. Seul matériau offrant une durabilité suffisante dans cet environnement difficile, leur béton a cependant été traité contre les fissurations.
« Venise sera protégée des grandes inondations pendant au moins un siècle, même en tenant compte d’un relèvement du niveau de l’Adriatique, 60 cm en un siècle dans l’hypothèse la plus pessimiste », s’est enthousiasmé Mauro Fabris, ingénieur et président du consortium Venezia Nova.