Utiliser juste ce qu’il faut de béton en jouant à plein de ses vertus tout en respectant le contexte urbain. Tel est le crédo qui a permis à l’agence parisienne Colboc Sachet architectures (COSA) de remporter en décembre 2020 le concours lancé par la Communauté urbaine du Grand Poitiers pour la conception du bâtiment qui accueillera en 2024 l’École européenne supérieure de l’image (EESI).
Jusque-là logé dans un ancien couvent du centre-ville, l’établissement s’installera dans le quartier des Couronneries, sur une parcelle qui accueillera deux autres équipements culturels reliés par une agora. L’ensemble constituera un pôle des arts qui animera une zone résidentielle composée en grande partie de barres et de tours datant des années 1960.
C’est d’abord pour tenir compte de cet environnement que le béton préfabriqué s’est imposé à COSA. Le choix de ce mode constructif a aussi été dicté par la volonté de l’agence de répondre au mieux aux besoins des étudiants à travers un bâtiment minéral au design sobre, presque intemporel.
« Cette école sera un lieu de production et d’exposition, en aucun cas un geste architectural, confirme Benjamin Colboc, cofondateur de l’agence. La vraie question était de savoir comment le bâtiment peut se mettre au service d’usages incroyablement variés – vidéo, musique, peinture, sculpture – tout en proposant une architecture qui identifie le lieu. »
Une structure béton se révèle idéale dans ce contexte. De plus, un système de portiques (poteaux-poutres) en béton permettant des portées de plateau de 13,20 mètres libère de grands volumes.
Le reste du bâtiment sera au contraire constitué des éléments les plus légers possibles pour permettre la plus grande modularité. Les remplissages de façades, planchers, cloisons, préfabriqués en bois, sont glissés dans la structure pour pouvoir être simplement démontés et assurer la flexibilité de l’école.
Les étudiants peuvent au gré de leurs envies visser, accrocher, perforer tout ce qu’ils veulent sur les murs et les sols. L’ensemble des salles – d’exposition, de dessin, les ateliers bois, sculpture et métal, la halle de construction… – profitent de simple, double, voire triple hauteur et de mezzanines qui « font de cette école un lieu ouvert et adaptable », indique Benjamin Colboc.
« Une rue intérieure »
Si le béton s’est imposé comme une évidence à l’agence COSA, son utilisation se veut toutefois frugale. Outre le choix du bois ou du plâtre pour les éléments hors structure, de la préfabrication et de réalisation de portées maximums, les architectes ont également eu la volonté de mettre en œuvre un béton consommant la quantité d’énergie la plus faible possible.
« Il sera bas-carbone, c’est-à-dire que l’apport en ciment sera limité au maximum. La question du séchage peut alors être problématique, mais elle est résolue par le recours à la préfabrication. Si la chose est possible, le béton sera même décarboné : l’énergie nécessaire à la production aura déjà été utilisée une première fois, par exemple par des hauts fourneaux d’aciéries », explique Benjamin Colboc.
Si le béton sera laissé brut, un soin important sera apporté aux assemblages d’éléments préfabriqués hors site, et notamment aux nœuds de clavetage rigidifiant la structure de type parasismique. « Nous avons conçu des coques afin que le béton préfabriqué serve de chambre de coffrage et dissimule ces nœuds souvent grossiers », précise l’architecte.
Véritable idée-pivot du projet, une nef centrale coupera enfin le bâtiment en deux et desservira tous les équipements : salles d’exposition, ateliers, galerie expérimentale, auditorium, studios, table d’hôtes…
« C’est une sorte de rue intérieure qui traverse de part en part le bâtiment, résume Benjamin Colboc. Ce sera un lieu d’enseignement et d’accrochage avec un escalier central doté de larges paliers sur lesquels pourront se tenir des cours. C’est le cœur de l’école. »