Vous avez contribué à la réhabilitation des résidences Gounod, Haendel et Ingres, à Bordeaux. Quels étaient les enjeux de la collectivité dans cette opération ?
Christophe Hutin : Ces constructions des années 60 présentaient une enveloppe dégradée mais les logements étaient globalement en bon état. Il est clair qu’une importante réhabilitation s’avérait nécessaire. Au lieu de la destruction qui a été envisagée à un certain moment, nous avons proposé une transformation qui comprenait une rénovation mais aussi des planchers supplémentaires.
Plus précisément, en quoi le projet a-t-il consisté ?
C. H. : Nous avons proposé d’augmenter les surfaces de plancher avec des extensions extérieures d’une profondeur de 4 m. Elles sont en appui horizontal sur les bâtiments existants, mais reposent sur leurs propres fondations avec des micro-pieux allant jusqu’à 25 m de profondeur.
Pour un T3, la surface est ainsi passée de 56 m² à 110 m². L’extension extérieure constitue un “jardin d’hiver”, clôturé par des baies vitrées, qui joue un rôle de régulateur thermique.
En été, il protège l’appartement du rayonnement solaire direct et, en hiver, il l’isole du froid. Les gains sont multiples. Nous avons constaté une réduction de 60 % de la consommation d’énergie, mais il faut aussi prendre en compte le gain d’espace et de lumière. Globalement, le confort d’usage est bien supérieur.
Quel rôle le béton a-t-il joué dans ce processus ?
C. H. : Le béton a contribué indirectement à la performance énergétique puisqu’il a permis l’extension des planchers qui produisent cet “effet de casquette”. Une structure métallique pouvait être envisagée, mais sa faible stabilité au feu aurait impliqué de lourds dispositifs de second œuvre. Le béton est beaucoup plus stable au feu, plus simple à mettre en œuvre et moins cher.
Les habitants étaient-ils satisfaits ?
C. H. : Les résidents ont pu visiter un logement prototype avant les travaux, qui ont commencé en 2013 et se sont achevés en 2016. Tout s’est déroulé en site occupé. Depuis la fin de l’opération, ils se sont approprié leur jardin d’hiver, profitent d’un gain de place notable mais aussi d’une meilleure qualité de vie.
Cette expérience est-elle transposable à d’autres projets ?
C. H. : Ce type de dispositif peut être mis en œuvre dans différents cas de figure : les bâtiments d’habitation collectifs, mais aussi les copropriétés dégradées et, plus globalement, toutes les structures qui doivent être rénovées ou transformées. L’exemple emblématique de ce processus est la rénovation-extension de la tour Bois-le-Prêtre, dans le XVIIe arrondissement de Paris, conçue par Anne Lacaton, Jean-Philippe Vassal et Frédéric Druot.
Dans quelle mesure ce dispositif peut-il influencer les politiques de rénovation de l’habitat ?
C. H. : Nous proposons une alternative à la politique de démolition-reconstruction. Avec trois avantages : elle évite la brutalité inhérente à la démolition ; elle tire parti du potentiel de transformation des logements actuels ; et elle est quatre fois moins chère.
Le dispositif de démolition/reconstruction coûte 200 K€ par logement alors que le nôtre revient à 50 K€. Mais il faut encore une prise de conscience pour faire évoluer les mentalités.