La monumentalité d’un bâtiment lame
Il y a un an, dans les quartiers Sud de Grenoble, était inaugurée l’extension de la Cité des Territoires – un lieu qui rassemble la communauté des géographes et celle des urbanistes de l’Université Grenoble Alpes.
Le bâtiment se présente comme un grand rectangle longiligne (66 x 11 m), dont les façades les plus longues sont habillées de lames en béton de 12 à 14 mètres de haut (et de 14 tonnes).
Ces lames forment des brise-soleils tout en réverbérant la lumière naturelle au cœur du bâtiment. L’ensemble, monumental et abstrait, ne révèle pas immédiatement sa masse, son échelle et son usage, en raison de la présence prépondérante de ces éléments de béton, sans joints, réalisés d’une seule pièce. D’où une grande homogénéité et pureté de lignes.
Plasticité et performances du béton
Pour traduire ce dessin, les architectes ont avant tout misé sur la grande plasticité du béton et sur ses performances.
« Il y avait un enjeu esthétique important sur l’extension de l’université, et nous avons souhaité transmettre un héritage et une tradition Grenobloise du matériau béton, préfabriqué, en même temps que les savoir-faire d’ingénierie (BET structure SECOBA) et d’entreprise (SDE) nécessaires à cette transmission », confirme Boris Bregman, architecte associé du cabinet Guyard Bregman Architectes Urbanistes.
De fait, le matériau se prête à cette expérimentation, des plus audacieuses : les poutres offrent de très grandes portées (35 m), sans nécessiter d’appuis pour des reprises intermédiaires ; quant aux éléments de cette vêture et rideau des façades, ils sont d’une finesse maximale et de grande hauteur.
De multiples essais et prototypes
« Les 106 lames, 53 par façade, sont toutes différentes », souligne Alain Perazio, gérant de l’entreprise IDBAT Production, qui a réalisé l’ensemble des éléments dans son usine de Saint-Nazaire-en-Royans (Drôme).
Leur forme asymétrique et profilée en triangle a nécessité de multiples essais et prototypes, à la fois pour les moules de préfabrication et pour la mise au point de la formulation du béton.
« Il ne fallait surtout pas que celui-ci forme des bulles dans les moules », insiste Alain Perazio, lui-même ingénieur et spécialiste des bétons.
Une implantation au millimètre près
L’autre défi tenait à la mise en place des lames : elles ont été acheminées sur le site par convois spéciaux et leur manipulation était particulièrement délicate. Un grutage très minutieux a permis de positionner précisément chacune d’elles à la verticale, au droit de son point d’ancrage.
« Notre marge d’erreur ne dépassait pas le millimètre », ajoute Alain Perazio. Une technique de précision pour un résultat spectaculaire et poétique.