Votre livre “Les 500 plus beaux ponts de France” a été récemment réédité. Qu’est-ce qui a motivé la réalisation d’un tel document ?
Serge Montens : Ingénieur concepteur de ponts et passionné de patrimoine, j’ai constaté qu’il n’y avait aucun guide de ce type, alors qu’à mes yeux, un pont est un ouvrage aussi remarquable qu’un château ou une église. Il en existe de tous âges, de toutes tailles et de tous types, partout en France.
J’avais réalisé un premier document sur ce sujet en 2001 et, à la demande de mon éditeur, j’ai recensé les 500 plus beaux ponts de France dans un guide, qui a été réédité en 2016. Classés par département, ces ouvrages ont été sélectionnés selon des critères esthétiques, architecturaux et techniques, mais aussi pour leur intégration à l’environnement et pour leur caractère innovant.
On y recense beaucoup de ponts en béton. Quelles sont leurs caractéristiques techniques, et comment ont-ils évolué ?
S. M. : Presque la moitié des ponts sont en béton à 100%, sur les 500 recensés. Les premiers, en béton armé, datent de la toute fin du 19e siècle. L’invention du béton précontraint par Eugène Freyssinet en 1928 a permis d’augmenter les portées par rapport aux ponts en béton armé, et a favorisé le développement des ouvrages en béton, notamment après-guerre.
Les ponts en arcs ont aussi été remplacés par des ponts à poutres et des ponts haubanés, tous très innovants pour leur époque. Une quinzaine de ponts en béton recensés dans mon livre, comme ceux de Villeneuve-sur-Lot, de Bry-sur-Marne ou de Plougastel, construits avant-guerre, ou encore les ponts à haubans de Brotonne et d’Iroise, ont ainsi battu un record du monde à leur inauguration.
Qu’est-ce que le béton a apporté à la construction des ponts ?
S. M. : L’emploi du béton a généré une économie de main-d’œuvre par rapport aux ponts maçonnés, ainsi qu’un gain de temps dans la construction, ce qui a contribué à réduire les coûts. L’amélioration de la résistance des bétons, grâce aux armatures en acier, à la meilleure qualité des ciments et à l’emploi d’adjuvants, a aussi permis d’accroître la légèreté et la portée des ouvrages.
En raison de sa capacité d’adaptation et d’évolution, le béton a permis la réalisation de ponts aux formes complexes et variées, de styles très différents. Les piles du viaduc Jules Verne d’Amiens reprennent la typologie des colonnes antiques avec leurs embases et leurs chapiteaux, le pont Sapiac de Montauban exprime, lui, le Modern’style des années 1900.
Par sa minéralité, le béton s’intègre, enfin, aussi bien aux environnements urbains qu’aux zones naturelles. Surplombant une vallée calcaire, le pont en arche de Comps-sur-Artuby en est un bel exemple.
Lors de la conception d’un pont en béton, quelle est la relation idéale entre ingénieur et architecte ?
S. M. : L’architecte doit être associé au plus tôt au projet de construction, puis de la phase d’études à la livraison de l’ouvrage. Son avis sur le type et la forme de l’ouvrage, mais aussi sur le choix des matériaux, est essentiel dans la construction d’un pont en béton. Un bon dialogue entre l’architecte et l’ingénieur est, à ce titre, un gage essentiel de réussite architecturale.
Selon vous, comment le pont en béton sera-t-il demain ?
S. M. : Depuis une dizaine d’années, on assiste à une diversification des matériaux utilisés pour la construction des ponts, avec les bétons autoplaçants, autonettoyants ou même dépolluants. Autant d’innovations profitables à la durabilité des ouvrages et à la protection de l’environnement.
L’arrivée des Bétons Fibrés à Ultra-hautes Performances (BFUP) ouvre également de nouvelles perspectives avec des ouvrages qui seront encore plus résistants, plus élancés, plus durables et modulables. À ce titre, le pont de la République, à Montpellier, combine à merveille finesse et robustesse. En 130 ans, les ponts en béton n’ont pas cessé d’évoluer et cela n’est pas fini !