Quand l’ancienne École centrale se recycle
Les gravats étaient là, à disposition. Il suffisait de tendre la main et l’agence A+Samuel Delmas a eu la bonne idée, avec son bureau d’études Batiserf, de proposer cette solution pour la construction d’un groupe scolaire à Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine), sur le chantier du futur écoquartier LaVallée.
« Cette ZAC est construite sur le terrain de l’ancienne École centrale, détruite en 2018. Pour le groupe scolaire, le cahier des charges de la Ville avait introduit l’hypothèse d’un bâtiment en terre coulée, mais celle du site ne convenait pas à ce type de procédé. De gros tas de gravats avaient en revanche été conservés sur le terrain de l’École centrale, et nous avons proposé une variante, à savoir la réalisation d’un béton composé à 100% d’agrégats recyclés », se souvient Samuel Delmas, le fondateur du cabinet d’architecture.
Mélangé à du ciment, le matériau a été de nombreuses fois testé pour atteindre une résistance à la compression lui permettant de respecter la réglementation.
Béton durable, façon pisé
Autre particularité de ce béton : il est damé par des machines.
« Le matériau est mis en œuvre exactement comme du pisé pour la terre crue, en utilisant de petites banches de 50 à 60 cm de haut composées de planchettes, dans lesquelles on vient déposer par strates de 15 cm du béton sec qui, une fois compacté, représente des lits de 10 à 12 cm d’épaisseur. Le damage rend le matériau plus compact, plus homogène, ce qui permet de diviser par deux l’usage de l’eau par rapport à un béton classique », explique Samuel Delmas.
L’architecte rappelle toutefois que ce matériau présente une tenue à la compression mécanique plus faible et une perméabilité plus grande que le béton classique, ce qui rend impossible son usage pour un immeuble de plus de deux étages, suivant la composition mise en œuvre ici.
Ce béton durable a servi à la réalisation des murs de façade qui constituent la “coque” porteuse de ce bâtiment R+1, un groupe scolaire de grande taille (école maternelle et élémentaire pour 600 élèves) contenant aussi un gymnase et une cuisine centrale utilisée par d’autres équipements publics du quartier.
Le bâtiment s’insérera dans une pente avec la création des entités du groupe scolaire à des niveaux différents, et une cour de plain-pied par programme.
De la souplesse du béton
Orienté nord-sud et doté d’une ventilation naturelle, le groupe scolaire comprendra un jardin logé dans un patio triangulaire ainsi qu’un toit végétalisé. Il fera la part belle aux matériaux biosourcés : du bois pour la structure poteaux-poutres, de la terre-chanvre pour les murs cloisons, un revêtement de sol végétal évaporant pour les cours de récréation. Le projet architectural y intègre naturellement ce béton durable, tout en lui donnant une « ambiance » terre qui répond à la volonté première du maître d’ouvrage.
« Afin de lui donner cette tonalité, nous avons introduit un pigment, que nous avons associé dans la composition de façade avec de l’acier corten pour lui donner cette teinte chaude », précise Samuel Delmas.
Ce bâtiment, prévu pour être livré en septembre 2023 et qui fait un usage atypique du béton, reste une expérimentation, ainsi que le rappelle Samuel Delmas : « Le damage est un mode constructif qui date de plusieurs siècles et que nous avons remis dans une norme actuelle. Ce sont avant tout les circonstances – la présence sur site de gravats en grande quantité – qui nous ont conduits à choisir cette solution. »
Une option de plus pour le béton, qui démontre une nouvelle fois sa grande souplesse d’utilisation.