Un projet de déconstruction sans déchet
Le nouveau quartier de La Maillerie, en lieu et place d’anciens entrepôts près de Lille, a pour vocation d’accueillir des logements sociaux, des appartements de standing, une résidence intergénérationnelle, une école, des bureaux et des commerces de proximité. Cet ancien site industriel a surtout été réhabilité en suivant une certaine philosophie : imaginer un nouveau lieu de vie, autour de la biodiversité, de la mobilité douce et de l’économie circulaire.
Dès le départ, les partenaires et entreprises impliquées dans le projet visent un objectif ambitieux de “déconstruction sans déchet“ et de réemploi des matériaux suivant trois objectifs : réduire, réutiliser, recycler.
Un ancien bâtiment a ainsi été préservé pour être réutilisé en parking et commerces, plusieurs gisements d’équipements et de matériaux à récupérer (luminaires, souffleries, rayonnages, parquets…) ont été identifiés, et le béton issu de la déconstruction a été recyclé et valorisé autant que possible.
Préparer la déconstruction en amont
Avant toute chose, un diagnostic économie circulaire a été réalisé afin d’établir une méthodologie de la déconstruction et mettre en place une filière de recyclage. « Nous avons étudié l’ensemble des matériaux disponibles et rédigé un cahier des charges pour organiser une déconstruction sélective, afin de hiérarchiser ce qui serait réemployé, recyclé et valorisé », explique Amine Kadiri, co-associé de l’entreprise Neo-Eco, spécialisée en économie circulaire.
Durant la phase de démolition, un premier tri a été effectué pour éviter la pollution de matières. Les poteaux, murs et dalles des entrepôts ont ensuite été découpés, les ferraillages retirés et les blocs de béton, concassés, avant d’être passés au crible. Les granulats ont alors été échantillonnés selon trois calibres : les granulats de 6-20 mm, mélangés à du sable et du ciment, réutilisés pour fabriquer du béton de construction ; les parties fines, pour fabriquer du carrelage et du béton désactivé ; les blocs supérieurs à 20 mm, employés pour les voiries et les comblements.
Du béton recyclé en béton
« Avec le support de Neo-Eco, nous avons défini et testé en laboratoire les formulations de béton intégrant des granulats recyclés, destinés à être réutilisés in situ dans la reconstruction des nouveaux bâtiments », déclare Guillaume Crémoux, de la société Eqiom en charge de la fabrication des bétons.
Ces bétons recyclés, contrôlés au départ de la centrale et sur le chantier, présentaient les mêmes caractéristiques de résistance et de mise en œuvre que des bétons classiques.
« La principale contrainte de ce chantier d’ampleur a été de gérer le déphasage de temporalité entre la démolition et la reconstruction, et le stockage des granulats recyclés », observe Guillaume Crémoux.
Sur les 40 000 tonnes de béton venant des dalles et des entrepôts déconstruits, 4 000 tonnes ont finalement été réutilisés pour la reconstruction, 500 tonnes, pour du béton désactivé, et le reste, recyclé à 90 % dans des infrastructures routières.
Une démarche réplicable
« Véritable cas d’école d’une telle ampleur en matière de recyclage du béton en béton, le chantier de La Maillerie a permis d’initier une filière régionale de recyclage des granulats et une démarche opérationnelle réplicable, permettant d’économiser de la ressource et de réduire les transports de matériaux pour la construction », conclut Amine Kadiri.
Depuis ce projet, plusieurs chantiers ont été menés sur le même schéma dans la région Nord, notamment sur un ancien site Leroy-Merlin et dans le cadre de la démolition de la tour Lejeune à Grande-Synthe. Avec des taux de valorisation des déchets du BTP atteignant les 98% !