De la chaleur stockée dans du béton
« Dans le cadre du développement des énergies renouvelables et de la réduction de l’empreinte carbone, le stockage de l’énergie est un sujet crucial, explique d’emblée Matthieu Horgnies, chargé de recherches chez Holcim. Cela nous conduit à explorer les propriétés chimiques de certains ciments pour capter de l’énergie. »
Il y a quelques années, des chercheurs de l’université EMPA de Zurich ont ainsi réalisé des blocs de béton stockant la chaleur en été et la restituant en hiver grâce à une réaction chimique. Ce béton, contenant une forte proportion d’ettringite1, est capable de stocker et de déstocker de la chaleur, respectivement par déshydratation et réhydratation.
C’est en revisitant ce principe (via l’utilisation d’un lit de particules assez novateur) que le cimentier Holcim, l’énergéticien ENGIE et l’école d’ingénieurs INSA-Lyon ont signé un protocole d’accord pour développer une solution de stockage de chaleur pour les réseaux urbains.
Réaction thermochimique
Les réseaux de chaleur urbains sont un moyen efficace de produire et de distribuer du chauffage pour les bâtiments, mais une partie de l’énergie peut ne pas être utilisée ou, a contrario, peut venir à manquer en cas de pic de consommation. Pour optimiser l’empreinte carbone de ces réseaux, le recours à des énergies renouvelables locales intermittentes est aussi judicieux, mais nécessite une solution de stockage.
« Le système de stockage d’énergie que nous développons serait constitué d’un réacteur thermochimique constitué de granules de pâtes de ciment hydratées contenant une grande quantité d’ettringite », explique Matthieu Horgnies.
Dans une première phase, l’excès de chaleur du réseau permet, dans des conditions sèches, de déshydrater l’ettringite qui va stocker l’énergie. Dans une seconde phase, le matériau cimentaire soumis à un flux d’air humide se réhydrate en libérant l’énergie calorifique stockée.
« Cette réaction fonctionne idéalement entre 60 et 100°C, avec une libération immédiate de chaleur, compatible avec celle nécessaire au fonctionnement des réseaux de chauffage », poursuit Matthieu Horgnies.
Prototype à réaliser
Cette solution à bas coût et à haute densité énergétique (cible envisagée de 300 kWh/m3) permettrait de mieux intégrer les énergies renouvelables dans les réseaux de chauffage urbain à basse température et d’optimiser leur empreinte carbone en réduisant leur consommation globale. Validée en laboratoire à l’occasion d’une thèse menée à l’INSA-Lyon, elle reste à produire à grande échelle.
« L’un de nos objectifs est par exemple de définir le meilleur empilement de granules de pâte de ciment pour optimiser les flux d’air dédiés et les réactions chimiques (réversibles) impliquées, pour mieux maîtriser la restitution de l’énergie dans le temps », conclut Matthieu Horgnies.
La réalisation d’un prototype à visée plus industrielle permettra enfin de tester in situ cette solution pour produire de l’eau chaude en réseau destinée aux bâtiments, mais aussi aux infrastructures industrielles à fort besoin de chaleur.
1 L’ettringite est un composé minéral de sulfate de calcium et d’aluminium hydraté capable de stocker de la chaleur par déshydratation puis de la restituer à la demande par simple réhydratation.