Stocker de l’énergie dans du béton. L’idée, a priori surprenante, est pourtant devenue une affaire sérieuse depuis qu’André Gennesseaux s’en est emparé, voilà cinq ans.
Ce diplômé de l’École polytechnique et de celle des Arts & Métiers, qui travaille depuis presque vingt ans sur la question du stockage de l’énergie avec son entreprise Energiestro, avait alors eu une intuition : le volant d’inertie, système qui consiste à emmagasiner de l’énergie cinétique en faisant tourner à très grande vitesse un cylindre autour d’un axe, pourrait être réalisé en béton, qui est alors doté d’une armature en fibre de verre.
« Jusqu’à récemment, les volants d’inertie semblaient incapables de stocker l’énergie solaire car le cylindre était en acier. Or celui-ci est cher. C’est là que nous avons envisagé de le remplacer par du béton, qui a un coût 20 fois moindre, une densité environ trois fois plus faible et dont les critères de performance sont aussi bons à condition d’être traité. Le seul défaut du béton pour cet usage est qu’il est peu résistant à la traction. Nous utilisons donc du béton haute performance précontraint pour que la masse volumétrique soit faible », note André Gennesseaux.
Dernier avantage de ce béton : il offre plus de garanties de sécurité que l’acier en cas d’accident, notamment si le volant, qui tourne à 4 000 tours/mn et 800 km/h, “casse”.
« Si le béton est projeté contre un mur, il explose contre celui-ci alors que l’acier est beaucoup plus dangereux et peut trouer la paroi du caisson protecteur », affirme l’ingénieur.
« Cette idée d’utiliser le béton, que personne n’avait eue avant nous, a été brevetée et la marque VOSS, dédiée à l’exploitation du volant d’inertie, a été créée. Nous avons levé 1 million d’euros voilà deux ans et nous cherchons actuellement à faire une levée de 10 à 12 millions d’euros. Certains contacts sont d’ores et déjà positifs. »
Plus durable que les batteries
En raison de leur lourdeur, les volants d’inertie ne peuvent être utilisés que pour du stockage d’énergie stationnaire (immobile).
« Mais à la différence des batteries au lithium, qui vont par exemple servir pour les voitures électriques, ce système ne connait qu’une très légère usure et sera garanti sur une durée de vie de 30 ans. Il est également beaucoup plus respectueux de l’environnement. Le béton peut être recyclé. Il est aussi à noter qu’il est dix fois moins émetteur de CO2 que l’acier, précise André Gennesseaux. Le volant d’inertie est en capacité de répondre à des demandes de puissance importantes sur de courtes durées. Il pourra servira notamment pour stocker de l’énergie issue de panneaux photovoltaïques d’un champ solaire ou servant à alimenter une maison individuelle, car le volant d’inertie a une capacité à tenir sur 24 h. L’énergie sera produite le jour et stockée la nuit. »
Une commercialisation en 2021 ?
La mise en œuvre des volants d’inertie en béton VOSS d’ENERGIESTRO est pour bientôt, selon André Gennesseaux : « Nous avons validé tous les concepts techniques et nous nous approchons des tests définitifs qui sont prévus pour 2020 en vue de réaliser des modules de taille commerciale (1 mètre de diamètre pour 1,40 de hauteur) et de 10 kWh d’énergie stockée pour un cout qui pourra descendre à 200 €/kWh. »
VOSS a déjà un premier client, le développeur Voltalia en Guyane pour le lissage des fluctuations rapides d’un parc solaire. D’autres grands énergéticiens sont intéressés. Avec la levée de fonds en cours, l’objectif est la construction d’une usine-pilote en France pour commencer à réaliser et vendre des petites séries dès fin 2021, surtout pour servir de démonstrateur. Pour l’étranger, des licences seront vendues car le béton est un produit local.
André GENNESSEAUX