Une référence au passé vivrier de la ville
Lorsqu’on l’aperçoit pour la première fois, au détour d’une rue du quartier Marcel-Cachin récemment réhabilité, l’édifice frappe immédiatement les esprits. Shortlistée pour le prestigieux prix d’architecture Mies Van der Rohe 2022, la Cité Maraîchère a de l’allure et même quelque chose de magique : les façades vitrées de ses deux étroites tours laissent deviner des jardins suspendus qui surprennent en pleine zone urbaine.
Atypique, le bâtiment ressemble à une petite fabrique industrielle avec sa charpente métallique, ses murs recouverts de panneaux d’acier prélaqués et sa structure en béton apparent en intérieur, tandis que son toit à deux pans rappelle celui d’une ferme.
Une identité double qui est une référence voulue au passé pour l’architecte Valérian Amalric (agence ilimelgo) : « Au XIXe siècle, Romainville avait une forte activité industrielle avec ses carrières de gypse, mais c’était aussi le bassin vivrier le plus productif d’Ile-de-France, et notamment un territoire de maraîchage très important. »
De ce passé agricole, il ne reste plus rien, et dans cette ville modeste la malbouffe constitue même un fléau. Pour créer un sursaut, l’ancienne maire, Corinne Valls, a décidé en 2014 de réaliser cette ferme urbaine à visée pédagogique. Sa vocation : proposer tout au long de l’année des fruits et légumes frais aux riverains et organiser des visites aux scolaires.
Le béton, résistance et inertie thermique
Au-delà de son rôle social, cette Cité Maraîchère livrée en 2021 est aussi une prouesse architecturale.
« Pour parvenir à réaliser une ferme verticale, un choix imposé par la faible emprise au sol, il a fallu maximiser les entrées de lumière. D’où une charpente métallique recouverte d’une verrière, des baies vitrées omniprésentes dans les étages, de grands vides centraux, des cages d’ascenseurs placées au nord… L’aspect héliotrope donne toute sa spécificité au projet », explique Valérian Amalric.
Le choix du béton et d’une structure poteau-poutre s’est révélé, dans l’esprit des concepteurs, comme la solution la plus adéquate.
« Nous n’aurions pas pu faire ce bâtiment en bois, ni même en acier, car, dans ce milieu humide que constitue une ferme maraîchère avec de fortes variations hygrométriques, des problèmes de déformation pour le premier matériau et de corrosion pour le second se seraient produits. Et il aurait été compliqué de soutenir des charges d’une tonne du m² de plancher.
Le béton est un bon compromis par sa résistance mais aussi par son inertie thermique, surtout dans ces serres où l’énergie se déstocke tout de suite. Mettre de l’inertie dans les murs et les planchers grâce au béton est dans ce contexte intéressant, surtout que la Cité n’est ni chauffée ni climatisée. »
Après un an d’utilisation et quelques ajustements pour affiner la position des plants par rapport à l’ensoleillement, la Cité Maraîchère tourne à plein régime en certaines périodes de printemps. Elle est aussi devenue un bâtiment très populaire, sans cesse visité dans le cadre d’ateliers de jardinage et de cuisine.