Vous avez pensé à un béton thermosensible pour l’usine de traitement des eaux d’Achères. En quoi consiste-t-il ?
Giovanni Lelli : Il s’agit d’un béton capable de retranscrire visuellement la température qu’il fait sur l’enveloppe d’un bâtiment. Autrement dit, d’un béton qui change de teinte sous l’effet de la température extérieure. Didier Gazeau, responsable du développement de Naullet (Soriba), et moi l’avons développé pour l’usine d’Achères, l’une des plus grandes stations d’épuration au monde, en charge du traitement d’une partie des eaux sales de Paris et de sa région.
Nous l’avons mis en œuvre dans un bâtiment abritant des surpresseurs, de grosses machines qui ressemblent davantage à une locomotive qu’à une bicyclette et qui génèrent beaucoup de chaleur.
En combien de temps s’opère le changement de teinte ?
G. L. : Le béton ne change pas de couleur du jour au lendemain, mais plutôt d’une saison à l’autre. Les procédés que nous avons imaginés ont été insérés dans la masse des panneaux de béton préfabriqué, et c’est cette masse qui réagit.
Pourquoi avoir imaginé un tel béton ? Quelle est sa fonction ?
G. L. : C’est un béton purement esthétique. Le départ de tout cela, c’est le plaisir d’inventer, d’apporter un plus architectural. On doit bien cela à l’Architecture, qui est une invention perpétuelle, de formes, de fonctions ou de matériaux.
Avec ce béton thermosensible, notre ambition est de faire en sorte que le bâtiment redevienne une œuvre, que les compagnons aient le sourire sur le chantier, qu’ils éprouvent le sentiment d’accomplir quelque chose de nouveau. Il s’agit de revaloriser le métier, de lui redonner des lettres de noblesse, des raisons d’être.
Comment est née l’idée ?
G. L. : Ce béton, c’est de la recherche pure ! Pour l’usine d’Achères, Didier Gazeau et moi avions déjà incrusté, avec l’aide d’un maître verrier, d’énormes boules de verre dans du béton préfabriqué : la lumière passe à travers et lui donne un aspect “vitrail”.
Pour le béton thermosensible, nous nous sommes tout simplement demandé ce que nous pouvions inventer d’autre. Cette recherche nous stimule énormément.
Le béton vous inspire. À quoi travaille actuellement votre cabinet Lelli ArchitecteS ?
G. L. : Nous menons depuis plusieurs années une réflexion sur le béton et la transparence, deux notions a priori antinomiques. Nous nous intéressons aussi au mariage entre le béton et le végétal. Si nous n’avons pas les moyens de recherche et de développement des grandes entreprises, nous avons le pouvoir de l’imagination.