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Un bon co-produit doit réunir plusieurs qualités : stabilité du gisement, durabilité, peu de variabilité
Lors de la production du béton, ses constituants traditionnels (granulats, matières constitutives du liant, pigments et fibres) peuvent être partiellement remplacés par des co-produits, voire totalement dans certains cas encore rares. Mais qu’est-ce qu’un co-produit ? « C’est une matière intentionnelle et inévitable créée au cours du même processus de fabrication et en même temps que le produit final (papier, pièce en fonte…) », explique Marjorie Petitpain, ingénieur au Pôle matériaux du CERIB. Leur intérêt ? « Côté source, leur utilisation dans les bétons évite leur mise en décharge. Coté utilisateur, et en fonction de leur rôle dans le béton, ils peuvent limiter le recours à des matières premières traditionnelles (comme les granulats ou les ciments) et ainsi réduire les émissions de CO2 inhérentes à l’extraction des matières premières et à la cuisson du clinker. Ils offrent parfois la possibilité de réduire les coûts et/ou d’apporter des propriétés supplémentaires », ajoute Marjorie Petitpain. Cependant, on ne peut pas envisager de mettre n’importe quel co-produit dans n’importe quel béton sans étude préalable. L’enjeu est d’utiliser ces ressources de manière sûre en ce qui concerne la résistance et la stabilité des ouvrages (essentiellement non structurels à ce jour), leur durabilité, leurs impacts sur l’environnement et sur la santé des utilisateurs.
Performances équivalentes et coûts réduits
Les exemples ne manquent pourtant pas pour illustrer l’usage des co-produits. Ainsi, parmi les fibres, la chènevotte, issue du chanvre utilisé pour confectionner des habits, apporte des propriétés isolantes intéressantes. « Le béton ainsi fabriqué peut alors entrer dans la catégorie des produits acoustiques et thermiques », explique Marjorie Petitpain. Dans la catégorie des pigments, les fines de fonderie noires présentent aussi un intérêt certain car elles remplissent la même fonction que les produits traditionnels.
Des gisements potentiels importants
Déjà utilisés dans les bétons, les cendres volantes issues de la production des centrales thermiques et les laitiers moulus provenant de la production d’acier dans les hauts fourneaux présentent des propriétés hydrauliques et/ou pouzzolaniques permettant de se substituer à une partie du clinker. Les cendres volantes papetières, issues de l’incinération des combustibles dans les chaudières, sont étudiées (notamment au CERIB) pour une utilisation dans le liant ou dans le squelette granulaire en tant que sable correcteur. Le gisement potentiel de ce type de cendres est important puisqu’il peut atteindre 60 000 t par an et par site papetier (la moyenne étant de 20 000 t). L’utilisation de la biomasse en tant que combustible ne faisant que croître (ouverture de nouveaux sites d’ici à 2020), ce type de co-produit va être de plus en plus présent sur le territoire.
Des freins à lever
« Il est essentiel d’insister sur le fait que les bétons de demain resteront majoritairement composés de constituants traditionnels, ces derniers ayant fait leurs preuves quant à l’obtention de bétons durables et sûrs. La nécessité d’économiser les ressources naturelles et de réduire la mise en décharge conduira à développer l’utilisation de co-produits en complément des constituants traditionnels. Mais l’utilisation croissante des co-produits nécessite une offre structurée en termes de quantité et de suivi de qualité – un suivi strict des caractéristiques de ces matériaux, en amont de leur utilisation, étant une condition pour garantir les performances finales du béton », rappelle Marjorie Petitpain.
Il reste aussi à lever des freins liés à la réglementation et à l’état actuel des normes, en particulier pour les bétons structurels. « La norme NF EN 206/CN impose des exigences sur les constituants qui limitent fortement l’utilisation des co-produits industriels ne disposant pas de normes. Cela devrait évoluer dans le futur, tout en conservant bien entendu l’obligation de faire des bétons d’excellente qualité », précise Marjorie Petitpain. L’adéquation entre offre et demande doit aussi être améliorée, de même que les aspects logistiques, afin que les bilans économiques et environnementaux soient positifs.
Des fournisseurs de co-produits intéressés
L’enjeu est tel qu’il suscite l’arrivée de nouveaux acteurs, poursuit Marjorie Petitpain : « Des plateformes se constituent pour homogénéiser certains co-produits, effectuer le cas échéant des “prétraitements” (mélanges, stabilisation…) afin de répondre à un cahier des charges techniques, et faciliter la coordination de l’offre et de la demande. » Un mouvement qui a toutes les chances d’être soutenu par les fournisseurs de co-produits eux-mêmes, estime-t-elle : « Cela leur permettrait d’améliorer leur image, en termes d’environnement, tout en valorisant des produits qui jusqu’à présent ont toujours représenté un coût ».