Des éléments préfabriqués en béton pour partie creux, en forme de nids d’abeilles. De la matière juste où il le faut. Les voussoirs qui seront imprimés verticalement et assemblés par des câbles de précontrainte pour constituer le tablier de la future passerelle de 40 mètres constitueront une première mondiale. Si un pont de 26 mètres a notamment été réalisé à Shangaï en impression 3D, dans ce cas le béton imprimé a servi de moule et a été rempli de béton.
« L’innovation sera beaucoup plus grande et constituera une vraie rupture, explique Alain Guillen, fondateur et dirigeant de la start-up XtreeE, spécialiste de ce procédé. En Chine et dans les expériences de passerelles précédentes, un moule était imprimé en 3D puis rempli de béton. L’objectif ici est de diminuer la matière nécessaire d’environ 60% afin notamment de répondre aux enjeux environnementaux du secteur. »
15 mois de R&D
Inscrit dans le cadre d’un partenariat d’innovation, l’opération fait l’objet d’un process de R&D démarré en septembre et long de 15 mois dont le principal objectif est de développer la composition d’un nouveau béton haute performance conçu pour être imprimé en 3D.
L’objectif de cette phase est aussi de réduire l’empreinte carbone du matériau en en réduisant la proportion de ciment. La mission en est confiée au cimentier LafargeHolcim.
« Il faut que ce béton imprimé soit structurel. Le calcul de la résistance de l’ouvrage va être fait sur cette partie imprimée 3D et non sur un béton qui aurait été mis à l’intérieur », indique Alain Guillen. La fabrication des voussoirs sera menée en atelier pour une construction hors site. La société XtreeE réalisera l’impression 3D à partir des éléments apportés par LafargeHolcim.
« C’est de la production additive. On part d’une maquette numérique et on ajoute de la matière pour faire un objet. On n’en soustrait pas. LafargeHolcim nous livre un prémix qui est un matériau sec, ainsi que des adjuvants et nous mettons en œuvre le béton avec notre procédé », précise-t-il.
Libérer la créativité
Réalisé pour le compte de l’établissement public territorial Plaines Commune, la passerelle enjambera le canal Saint-Denis à Aubervilliers, dont les berges sont en phase de réaménagement. Le but est de créer un lien adapté aux piétons et mobilités douces entre Paris et le Stade de France dans la perspective des JOP 2024.
Pour l’agence d’architecture Lavigne & Cheron, qui a conçu le projet avec l’ingénieriste Freyssinet et le bureau d’étude Quadric via la maquette numérique, l’impression 3D pour du béton structurel a permis de libérer la créativité.
« L’idée du design de cette passerelle est de faire un parallèle entre les JO 1924 et les JOP 2024. Les formes organiques, végétales, de l’ouvrage d’art se rapprochent du style Art Nouveau en vogue il y a un siècle. Nous nous sommes aussi inspirés de l’élément liquide pour créer une structure aux contours fluides. C’est comme si l’eau s’animait et prenait forme. Ce côté dynamique fait également référence au sport, explique Thomas Lavigne, l’architecte du projet. La possibilité de le faire en impression 3D permet ces formes très innovantes. Sans elle, le projet serait techniquement impossible ou alors beaucoup trop cher. »
Le début du chantier était prévu pour 2022 et la fin pour décembre 2023.
Cependant, face aux impératifs du calendrier, le projet a été abandonné à l’été 2022 par le maître d’ouvrage, qui s’est tourné vers une solution plus classique.
Article modifié en septembre 2022